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Compte-rendu de séminaire – Devenir médecin de famille, une résidence en communication

Résumé :

Le parcours pour devenir médecin de famille au Québec se termine par une résidence d’une durée de deux années. Durant cette formation postdoctorale, les résidentes et les résidents doivent apprendre les rudiments d’une profession tout en intégrant ce qu’est d’être médecin de famille. Cet apprentissage s’effectue par un modelage de rôles avec plusieurs superviseurs ainsi que par des interactions avec des collègues résidents et d’autres professionnels de la santé. Ces contacts sont fortement teintés par des rencontres formelles et informelles où le pouvoir s’exerce de manière à façonner les normes qui vont régir les comportements professionnels et personnels des futurs médecins. Par ces différents aspects communicationnels, nous aborderons cette période de transition vers une profession qui peut s’avérer difficile pour quelques personnes.

Conférencier

Richard Rioux, candidat au doctorat interdisciplinaire en santé et société et Maître d'enseignement à l'École de technologie supérieure.

Date : vendredi le 28 avril 2017

Compte-rendu du séminaire :

« L’évaluation des résidentes et résidents en médecine de famille est surtout une relation avec les ‘patrons’ (dans le jargon médical, ce sont les médecins superviseurs ou percepteurs)», affirme Richard Rioux, doctorant interdisciplinaire en santé et société (UQAM), lors de sa présentation  sur ses premiers résultats de recherche, en mai 2017, dans le cadre des séminaires de ComSanté. M. Rioux s’intéresse à la santé et à la qualité de vie de ces résidents en médecine de famille et, tout particulièrement, aux multiples rôles joués par ces résidentes et résidents en lien avec différents interlocuteurs dans la période de résidence, au Québec. Cette formation postdoctorale conclut le parcours de ces étudiants qui désirent devenir des médecins de famille dans la province. Les résidentes et les résidents y apprennent les rudiments de la profession tout en y intégrant ce qu’est d’être médecin de famille. Cet apprentissage s’effectue par un modelage de rôles avec plusieurs patrons ainsi que par des interactions avec des collègues résidents et d’autres professionnels de la santé. Par différents aspects communicationnels, M. Rioux aborde dans sa recherche cette période de transition, vers une profession, qui peut s’avérer difficile pour quelques personnes.

Comment les multiples rôles et leur modulation agissent-ils sur la santé et la qualité de vie des résidents en médecine de famille? Pour répondre à ses questions de recherche, M. Rioux a utilisé une méthodologie mixte. Dans l’étape qualitative, il a réalisé des entrevues semi-dirigées avec 11 résidentes et 2 résidents. Dans l’étape quantitative, 266 personnes ont répondu aux questions, dont 178 ont complété l’entièreté du questionnaire. Tant au niveau qualitatif que quantitatif, les questions posées portaient sur le rapport à la profession, les activités durant et hors de la résidence, le stress professionnel, la reconnaissance, la qualité de vie et la santé.

Les résultats préliminaires de la recherche, présentés dans le cadre du séminaire, se concentrent surtout sur le processus d’évaluation par lequel les résidentes et résidents doivent passer ainsi que les relations établies avec les médecins superviseurs, les autres professionnels de la santé, les collègues résidents, les patients et les autres personnes à l’extérieur de la résidence.

L’évaluation est considérée, par certains résidents, comme une surveillance constante de la part des patrons et de l’équipe médicale. Étant donné que l’évaluation n’est pas que basée sur les connaissances médicales, mais sur d’autres éléments, comme des aspects personnels, certaines personnes ont déclaré avoir tendance à limiter ou à taire leurs commentaires, dans le but de ne pas contredire un patron et d’éviter d’être jugées. Les résidents tenteraient aussi de plaire aux évaluateurs afin de faire une bonne impression. Ces comportements seraient associés à une subjectivité des critères d’évaluation. «Il y a beaucoup d’inconnus liés à l’évaluation » : mentionne M. Rioux

En ce qui concerne les épisodes de harcèlement et d’intimidation provenant de la part des patrons omnipraticiens, 22,3% des répondants ont déclaré avoir vécu ce type de situation allant de parfois à quotidiennement. De façon plus détaillée, 44,5% des épisodes de harcèlement et d’intimidation proviennent d’un patron spécialiste. Quant à la reconnaissance de la part des patrons, les résidents disent l’avoir reçu davantage de la part des patrons omnipraticiens (95,6%) que de la part de ceux en spécialité (82,1%).

En général, les résidents ont de bonnes relations avec les autres professionnels de la santé. Toutefois, ils sont toujours sur la corde raide et tentent de ne pas trop leur parler de certains sujets, comme les problèmes avec les patrons. 91% des étudiants ont dit avoir senti de la reconnaissance de la part des autres professionnels de la santé.

Lorsqu’il s’agit de relation avec les résidents séniors, 17,2% des répondants ont affirmé avoir vécu un épisode de harcèlement ou d’intimidation de la part des résidents séniors. De plus, ces derniers proviendraient plus souvent des résidences en spécialité. « Les résidents séniors et les médecins spécialistes feraient subir davantage d’épisodes de harcèlement et d’intimidation aux résidents en médecine de famille. », mentionne M. Rioux. Par ailleurs, les collègues résidents, surtout ceux provenant de la même année de résidence, représentent une source de soutien et de reconnaissance (92,1% des répondants). Alors que les résidentes et résidents considèrent, en majorité (99,5%), les patients comme une source importante de motivation et de reconnaissance, des épisodes de harcèlement et d’intimidation provenant des patients ont été vécus par 41,8% des répondants. Ces épisodes surviendraient de parfois à souvent dans la relation résident-patient.

En général, les résidents auraient du soutien de leur entourage proche, dont la famille. Toutefois, certaines personnes de leur entourage auraient démontré une certaine incompréhension de leur réalité, comme les horaires de travail. Alors que 73,2 % des répondants ont déclaré être satisfaits à très satisfaits de leurs relations familiales, ils seraient insatisfaits de la qualité du temps passé avec leur famille (44% des répondants). En ce qui concerne la moyenne d’heure de sommeil, les résidents en auraient entre 6 et 8 heures par nuit. La perception de la qualité de sommeil montre que 70,9% des répondants ne sont pas du tout à modérément satisfaits de leur sommeil. De plus, 78,9 % ont affirmé conduire de parfois à souvent lorsqu’ils sont fatigués.

En ce qui concerne l’opinion de soi, les résidents en deuxième année démontrent une plus grande confiance en eux que ceux en première année, ce qui pourrait expliquer une part de changements dans la relation avec les patrons. Cet aspect sera éventuellement exploré par M. Rioux dans sa thèse, étant donné que les résultats préliminaires n’indiquent pas encore de conclusions à ce sujet.

Quelques pistes de recherche ont été soulevées par M. Rioux durant sa présentation, comme une analyse plus précise sur les relations entre les patrons spécialistes et les résidents en médecine de famille ainsi qu’une étude sur la qualité de sommeil des résidents. 

 

Éléments soulevés par l’assistance

Lorsque la qualité de vie des résidents a été abordée par l’assistance, M. Rioux affirme que les résidentes et les résidents ont manifesté vouloir mieux gérer leur temps ou être plus autonome dans la gestion de leur horaire. Les participants ont aussi mentionné le besoin que des formations soient offertes aux patrons afin de les orienter relativement à la manière de faire les évaluations et de donner des rétroactions. Certains participants auraient aussi aimé avoir plus des précisions concernant leur évaluation. « Bien souvent, les commentaires qu’ils (résidents) reçoivent sont des commentaires négatifs. (…) Mais quand ça va bien, on ne sait pas pourquoi c’était bien », affirme M. Rioux. D’ailleurs, les résidents qui disaient avoir plus de facilité dans leur résidence étaient ceux qui étaient capables de s’affirmer et de mieux communiquer leurs besoins et leurs attentes avec leurs patrons.

En ce qui concerne les cas de harcèlement et d’intimidation, M. Rioux a souligné que la relation entre les résidents en médecine de famille et les patrons spécialistes sont parmi les résultats les plus saillants de sa recherche. Ces derniers indiquent aussi que les rapports de pouvoir entre les personnes dans le milieu médical changent selon l’année de résidence de l’étudiant.

Quant aux éléments organisationnels des milieux médicaux, certains résidents en deuxième année ont affirmé, lors des entretiens, que leur position politique ou leur engagement social auraient une influence sur les relations de travail et sur les évaluations. Les effets de l’approbation de projets de loi dans ces milieux représentent des points à explorer par M. Rioux dans sa thèse. Le chercheur a aussi manifesté l’intérêt de mieux explorer dans sa recherche une association entre le processus d’évaluation des résidents et l’anxiété de performance. M. Rioux suggère aussi qu’une sélection des informations données aux résidents au début de la résidence, surtout en ce qui concerne les critères d’évaluation et les attentes des patrons, puisse améliorer la communication et les relations dans les milieux médicaux. En effet, les informations communiquées sont souvent trop nombreuses, arrivent à plusieurs moments, parfois par différents médiums créant une surcharge d’information à gérer pour les résidents.

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À propos Élise Ducharme

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