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L’anorexie sur Youtube : la promotion d’informations erronées

anorexieUne étude réalisée en octobre 2011 par Syed-Abdul et son équipe[1] s'intéresse à la représentation de l’anorexie sur YouTube. Analysant ce que propose cette célèbre plateforme à ce sujet, les chercheurs ont remarqué qu’une partie des vidéos encourageaient les individus à appréhender l’anorexie comme un phénomène de mode ou comme une manière saine de vivre.

YouTube, une plateforme qui présente toutes sortes de contenus sur la santé

Le site YouTube est sans aucun doute la plateforme d’hébergements de vidéos la plus populaire. Ce succès est lié autant à la grande diversité des contenus qu’à la possibilité pour les utilisateurs d’y interagir socialement par le biais du partage de vidéos ou encore de la publication de commentaires. Cette profusion d’informations ne signifie pas pour autant que celles-ci soient fiables et pertinentes pour les utilisateurs. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne l’anorexie. Cette maladie, liée à un trouble de l’alimentation, peut avoir de sérieux impacts sur la qualité de vie des malades.

Syed-Abdul et son équipe ont classifié les vidéos traitant de l’anorexie sur YouTube deux catégories. Certaines tentent d’expliquer aux internautes les conséquences de la maladie. Elles suggèrent éventuellement aux malades des moyens pour s’émanciper de cette condition. À contrario, d’autres vidéos font en effet l’éloge de l’anorexie en présentant la maladie comme un phénomène de mode ou comme un moyen d’accéder à la beauté. Ces vidéos présentent également des trucs et conseils pour retarder l’absorption d’alimentation. On y suggère par exemple d’éviter certains repas, de fumer des cigarettes ou de boire beaucoup d’eau en guise de coupe-faim. Cette classification fut acceptée par trois physiciens indépendants (Y-CW, EC, et DK).

Analyser le contenu des vidéos les plus populaires

Les chercheurs qui visaient à analyser le contenu des vidéos portant sur l’anorexie ont identifié le 10 octobre 2011, 7583 vidéos définis par les mots clés « thinspo », « proana »,  « anorexia » ou « anorexia nervosa » sur YouTube. Ils ont alors sélectionné, parmi ce corpus, un échantillon composé des 30 vidéos les plus vues, soit 120 vidéos pour l'ensemble des mots-clés référants auquel ils ont ajouté 30 vidéos supplémentaires choisies de manière aléatoire et comportant au moins 5000 vues. En supprimant de ce dernier échantillon les 10 vidéos dupliquées ou effacées par YouTube, ils ont obtenu ainsi 140 vidéos traitant de la maladie.

Sur ces 140 vidéos, 29.3 % développaient un contenu pro-anorexique, 55,7 % proposaient un contenu instructif et 15 % correspondaient à d’autres vidéos. Si les vidéos faisant l’apologie de l’anorexie ne sont pas majoritaires dans le corpus, elles figurent parmi celles qui suscitent le plus d'interaction, ce qui peut augmenter l'impact du message. En effet, les vidéos pro-anorexiques étaient deux fois plus commentées que les vidéos instructives. De plus, les internautes ont en moyenne cliqué trois fois plus sur l'icône « j’aime » lorsqu’il s’agissait de vidéos pro-anorexiques.

Quels effets sur les attitudes et les comportements?

Si cette analyse de contenu ne permet pas de tirer des conclusions sur les effets que peut avoir le visionnement de ces capsules sur les attitudes et les comportements des jeunes filles, d’autres études soulignent par contre que ce discours pro-anorexie pourrait avoir des impacts négatifs notamment parce qu’il est largement diffusé. Une étude menée par Kathleen Custers et Jan Van den Bulck dans la communauté flamande de Belgique a notamment montré que 13 % des étudiantes de premier cycle avaient consulté au moins une fois un site promouvant les troubles alimentaires[2]. De plus, le public semble particulièrement jeune. En analysant l’audience d’une vidéo pro-anorexique espagnole très populaire, Syed-Abdul et son équipe ont indiqué que le public était essentiellement composé de jeunes femmes et que 80 % des personnes ayant visionné la vidéo avaient entre 13 et 17 ans. L’insatisfaction des adolescentes à l’égard de leur corps trouve donc écho sur la Toile où elles sont souvent confrontées aux modèles alimentaires problématiques de certaines célébrités. Par ailleurs, la frontière est parfois mince entre régime et adoption de pratiques alimentaires à risque pouvant mener à l’anorexie. Enfin, ce discours est peu contrebalancé sur Facebook par les messages des instances de santé qui sont beaucoup moins populaires[3].
Les chercheurs soulignent ainsi que les vidéos présentant du contenu visant la prévention de l’anorexie, bien que majoritaires, ne sont pas suffisamment attractives. Parmi les raisons de cette impopularité, les chercheurs soulignent qu’elles sont trop diffusées par les autorités de santé publique, et qu’elles n’offrent pas ou peu de possibilités aux internautes de commenter l’information ou tout du moins d’y contribuer.
Ainsi, il serait important pour les instances de santé publique de considérer davantage la plateforme YouTube, non pas comme un réceptacle d’informations, mais comme une véritable communauté d’idées et de partages.

 

Références et notes:

[1] Syed-Abdul S, Fernandez-Luque L, Jian WS, Li YC, Crain S, Hsu MH, Wang YC, Khandregzen D, Chuluunbaatar E, Nguyen PA, Liou DM Misleading Health-Related Information Promoted Through Video-Based Social Media: Anorexia on YouTube J Med Internet Res 2013;15(2):e30 URL: http://www.jmir.org/2013/2/e30/ doi: 10.2196/jmir.2237 PMID: 23406655

[2] Custers K, Van den Bulck J. Viewership of pro-anorexia websites in seventh, ninth and eleventh graders. Eur Eat Disord. Rev 2009 May;17(3):214-219. [doi: 10.1002/erv.910] [Medline: 19142974]

[3] Certains organismes communautaires tentent toutefois d’innover pour entrer dans la conversation autour de l’anorexie ces dernières années (voir par exemple la campagne Derrière le miroir menée par l’organisme Équilibre au Québec)

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